Comment la Wallonie aurait pu conquérir le géant Zalando

La nouvelle est tombée comme un couperet sur la gorge de l’économie wallonne : le géant du shopping en ligne Zalando a préféré implanter son centre de logistique aux Pays-Bas plutôt qu’en Belgique. Ce ne sont en effet pas moins de 1.500 emplois qui nous sont ainsi passés sous le nez. Qu’est-ce qui a joué contre nous ? Qu’est-ce qui aurait pu être en notre faveur ? Une semaine avant l’E-Commerce Summit qui se déroulera le 20 avril à Bruxelles, Jérôme Gobbesso, CEO de Newpharma, leader de la pharmacie en ligne en Belgique et en France, donne son opinion.

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Je comprends que les investisseurs étrangers puissent être frileux à l’idée de traiter avec la Belgique. Notre pays peut vite paraître compliqué au vu de sa gouvernance et de toutes ses instances : fédérales, régionales, communautaires, provinciales, sans oublier les communes et les arrondissements judiciaires. Cela fait beaucoup de monde à réunir autour de la table et surtout à mettre d’accord. Nous avons aussi la réputation d’un Etat divisé, avec d’un côté les Flamands et de l’autre, les Wallons. Enfin, un peu partout en Europe, on n’a pas encore oublié ce record historique de la Belgique, qui est tout de même restée 541 jours sans gouvernement. Or, sur le terrain, on ne peut pas dire que cela soit si noir que cela, les choses ont bougé et bougent même très bien. Il s’agit donc quelque part de ‘faux problèmes’. Mais cela reste dissuasif vu de l’extérieur, en l’occurrence par des investisseurs potentiels.
 
Par contre, ce qui est sans doute plus fondé, c’est que la Belgique manque de vision long terme. Or, quand un investisseur s’engage, c’est pour des années. Il ne tient pas à s’embarquer aux côtés de partenaires dont le pays change de législation et autres réglementations tous les x temps. Nous ne sommes pas doués non plus pour saisir la balle au bond. Aux Pays-Bas, c’est tout le contraire, et c’est l’assertivité de nos voisins hollandais qui a sans nul doute joué en leur faveur lors de la réflexion de Zalando.
 
Et pourtant, notre pays est remarquable de valeur ajoutée. Il est situé en plein cœur de l’Europe, avec tout ce que cela implique d’interactions et autres richesses interculturelles. En plus de cela, la Belgique ne manque pas non plus, d’attrait commercial avec :


-          Un fort potentiel logistique grâce à son vaste réseau routier, ferroviaire, ses voies navigables et ses aéroports, et ce, à la croisée des Pays-Bas, de la France et de l’Allemagne ;
-          Des surfaces de stockage considérables et l’Etat belge joue son rôle en la matière en mettant à disposition des terrains, contrairement à ses voisins hollandais ;
-          Une main d’œuvre qualifiée et polyglotte. La France et les Pays-Bas ne peuvent pas en dire autant en matière de connaissances linguistiques. Même chose de la stabilité des forces vives : tandis que la main d’œuvre des Pays-Bas est détachée, la nôtre est plus stable. C’est également gage d’une expertise et d’un savoir-faire préservés.
 
Pour faire en sorte que notre Belgique ne soit plus affublée d’une certaine image négative, il faut tout d’abord cesser d’avoir des pensées limitantes et oser s’adresser à l’autre. Newpharma l’a fait lorsqu’il a fallu négocier avec les syndicats pour faire accepter le travail les week-ends et jours fériés. Il a suffi de faire entendre le bien-fondé de notre projet et d’avoir l’appui des acteurs de terrain… et cela a mis à peine une semaine pour être accepté. Cela génère certes un surplus de salaire, et c’est normal. Il incombe aux patrons de l’assumer. J’en profite d’ailleurs pour féliciter l’Etat qui vient d’accorder une réduction des charges pour les travailleurs de week-end et de nuit. Un pas de plus en avant !
 
Autant se tourner vers ceux qui ont voix au chapitre. Et il est temps qu’ils se posent les bonnes questions, celles que les autres pays se posent et en même temps qu’eux. Sinon, on n’est plus concurrentiels et on laisse passer des opportunités. Comme on a loupé Zalando, avec les répercussions que l’on peut imaginer sur l’économie. Aussi faut-il élever le débat, et ce, pas seulement jusqu’aux prochaines élections.
 
Il importe en fait de parler comme un seul homme et une seule nation. De cesser également les discours à géométrie variable : tantôt tout va bien, tantôt rien ne va plus. Et cela a de quoi faire peur à des investisseurs potentiels. Or, les fondements de notre nation et de notre entrepreneuriat sont bons. Il suffit de bâtir dessus.
 
Ce ne sont pas tant les systèmes qui importent, mais les individus, ces hommes et ces femmes de bonne volonté, prêts à construire les success story de et avec notre pays. Et la Belgique a tous les atouts pour voir opérer les meilleures synergies et naître de la valeur, des partenariats ouverts sur le monde, en même temps que de la croissance.
 
Et c’est possible ! Un exemple ? Il y a une dizaine d’années, c’est en Wallonie qu’un autre géant a choisi de s’implanter : Google ».

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