UE: Divergences sur le projet de taxation des Gafa

Le commissaire européen aux Affaires économiques et monétaires, Pierre Moscovici, à une réunion de l'Ecofin à Sofia. Les ministres de l'Economie européens se sont pour la première fois penchés, samedi, sur le projet de taxation des géants du numérique présenté le mois dernier par la Commission et accueilli avec scepticisme par certains Etats membres.

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Le projet de taxation des géants du numérique présenté le mois dernier par la Commission européenne a été accueilli avec scepticisme par certains Etats membres et par le secrétaire général de l’OCDE, qui ont plaidé pour une approche à l’échelle internationale plutôt qu’européenne. Ces réserves se sont manifestées lors d’une réunion de l’Ecofin samedi à Sofia, au cours de laquelle les ministres de l’Economie européens se sont penchés première fois sur ce projet.

L’exécutif européen propose d’instaurer une taxe de 3% sur le chiffre d’affaires des groupes emblématiques du numérique, parmi lesquels figurent notamment les “Gafa” (Google, Apple, Facebook et Amazon), accusés de payer trop peu d’impôts sur leurs activités réalisés en Europe, en profitant des disparités d’un système fiscal inadapté. Alors que les réformes touchant à la fiscalité dans l’UE doivent être approuvées à l’unanimité des Etats membres, les ministres de petits Etats comme le Luxembourg ou Malte se sont opposés au projet, réclamant une réorganisation complète de la taxation du numérique au niveau mondial, avec une solution de long terme.

Le ministre français de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, a affirmé lors d’une conférence de presse commune avec le ministre allemand des Finances Olaf Scholz la “détermination totale” de la France à parvenir à un accord sur la question de la taxation des géants du numérique “avant la fin 2018 au niveau européen”. “Nous devons décider, c’est une question d’efficacité et d’équité”, a-t-il déclaré en précisant que la proposition de la Commission “efficace et équitable” n’était pas incompatible avec un travail en parallèle sur une solution à plus long terme.“Au-delà de la question de la fiscalité du numérique, l’enjeu c’est l’indépendance de l’Europe et sa capacité à protéger ses intérêts et de savoir si les pays européens ont le courage de prendre leur destin en main”, a dit Bruno Le Maire, qui s’exprimait en anglais. Présent à ses côtés, le ministre des Finances allemand Olaf Scholz, qui a pris ses fonctions le mois dernier, n’a pas pris position clairement sur le sujet.

Cette attitude pourrait indiquer une évolution de la position de l’Allemagne, qui avait dans un premier temps soutenu l’initiative lancée par la France en septembre dernier pour aboutir à une taxation plus équitable des “Gafa”. Olaf Scholz, qui n’a pas pris la parole pendant la réunion ministérielle, a simplement déclaré à la presse qu’il était nécessaire de traiter la “question morale” de la taxation des groupes numériques, sans préciser la façon de résoudre le problème. Des responsables européens ont dit que Berlin craignait que plusieurs entreprises allemandes ne soient concernées par cette taxe et s’inquiétait d’éventuelles mesures de représailles susceptibles de pénaliser les exportations allemandes.

Si la Commission européenne se dit favorable à une solution internationale et pérenne fondée sur une nouvelle méthode de calcul, elle estime qu’il faudra beaucoup de temps pour l’adopter et propose donc sa taxe transitoire de 3% pour permettre à l’Union européenne de récupérer une partie des recettes fiscales qui échappent à ses pays membres.

Le commissaire européen aux Affaires économiques et monétaires, le Français Pierre Moscovici, qui porte ce projet, a ainsi déclaré à l’issue de la réunion de l’Ecofin qu’il serait “illusoire” de penser qu’un accord pourra être trouvé rapidement à l’échelle internationale. “Il est urgent d’agir pour préserver notre marché unique”, a-t-il également prévenu dans un tweet. De fait, faute d’avancées à l’échelle de l’UE, l’Espagne - qui avait elle aussi soutenue l’initiative française dès le début - a prévenu samedi par la voix de son ministre de l’Economie qu’elle pourrait mettre en place sa propre taxe. “L’idée c’est de la mettre en place le plus rapidement possible afin qu’elle entre en vigueur en 2019”, a déclaré Ramon Escolano lors d’une conférence de presse à Sofia.

Présent à la réunion, le secrétaire général de l’OCDE (Organisation de coopération et développement économiques) Angel Gurria avait auparavant mis en garde les ministres contre toute précipitation. Il a déclaré que le travail en vue d’une réforme fiscale au niveau mondial, intégrant les Etats-Unis, le Japon, la Chine, avait déjà commencé et il a dit craindre l’adoption de mesures incompatibles avec une solution de long terme. Angel Gurria a ajouté que l’OCDE, responsable de la coordination des politiques fiscales entre pays riches, était prête à accélérer ses travaux et pourrait avancer à l’an prochain, au lieu de 2020, l’adoption d’un plan sur la question. Au total, environ 200 groupes pourraient être concernés par le projet de taxe de la Commission, dont le rendement s’élèverait à près de cinq milliards d’euros à l’échelle européenne.

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